Il n’y a pas beaucoup de différences entre l’action qui consiste à arracher l’étiquette d’un livre et celle qui pousse chaque semaine femmes et hommes à s’épiler à la cire.
Dans les deux cas, le terrain nécessite une préparation minutieuse. La quatrième de couverture d’un livre est balayée de la main pour repérer les éléments venus la corrompre (souvent des salissures noires, dont on ne sait jamais trop comment elles sont apparues). Et de la même façon, le dos d’un‑e candidat‑e à l’épilation est toujours préparé.
Cette étape passée, vient le travail de l’étiquette (déjà posée) et de la cire (à poser). Elles ne peuvent pas être retirées coup sec, sans décollement par à‑coups : une étiquette, comme une cire, s’attaquent par les côtés. On s’y reprend souvent plusieurs fois. C’est que l’étiquette ne se décolle jamais tout à fait comme il faudrait : elle résiste, menace de se déchirer ou de laisser une trace.
Dans nos tentatives pour réinitialiser l’objet, comme l’épilation vise à redonner au corps les signes premiers de sa vitalité, cette pensée parasitaire : l’empreinte commerciale du livre, cette vie à laquelle nous n’avons pas participé, dont nous avons été exclus et avec laquelle il faudra peut-être composer (d’autres, au contraire, préfèrent garder cette étiquette parce qu’elle participe d’une politique d’assainissement : le livre ne semble n’avoir jamais été entamé). Aussi nous nous employons à faire disparaître ces signes qui nous ont précédés, qui sont ceux d’un autre temps, pour d’autres et par d’autres : c’est l’hygiène de la lecture.
La dernière étape est cruciale. On peut soit la réaliser d’un coup sec, une fois qu’elle a été décollée — grattée, rongée sur ses bords – dans l’attente d’une délectation à venir, celle de voir inscrite sur la cire arrachée, le nombre de poils enlevés (et sur l’étiquette, sa blancheur et la vision d’un espace sans trou, après que l’étiquette a été enlevée sans reste) ; ou bien enlever lentement l’étiquette, comme l’araignée descend de son fil — jouissance d’un plaisir retardé.