Hochements de tête, confirmations verbales (“oui, bien sûr que je me souviens !”) : son hypermnésie est d’abord celle que je lui prête.
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Elle n’a qu’à ratifier : aucune preuve n’est exigée, elles sont toutes apportées (“vous vous souvenez de X quand il m’a dit que Y”) : jamais je ne la mettrai en péril, la testerai ; j’ai trop besoin de croire en son infaillibilité.
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La mémoire est l’instrument de la confiance et de l’attente : c’est parce que je m’imagine qu’elle sait “ce qui a été, ce qui est, ce qui sera”, que je la retrouve à intervalles réguliers ; pour découvrir une vérité supposément cachée.
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Il lui est arrivé de noter des choses sur une feuille volante qui traînait négligemment sur son bureau : elle devait savoir que j’avais besoin de ce geste performatif, de cette ratification matérielle.
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La mémoire n’est pas dans l’analyste : elle est contenue dans le symptôme et dans la vie de l’analysant, qui le font répéter. S’il n’y a pas besoin de prendre de notes, c’est parce que les situations se rappelleront naturellement et qu’elles conduiront au même constat, avec leur part de variations.
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La mémoire est dans le dispositif même de la cure, au-delà du cabinet, dans le travail qu’elle initie et qu’elle cadre : la parole se rappelle (de) la parole.
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C’est le souvenir qui est élaboré, c’est-à-dire négocié, testé et progressivement accepté comme une vérité.