Juste pour vous dire qu’on va fermer”

(Québec, hiv­er 2013)

Cette phrase ne tombe jamais comme un couperet : des signes l’an­ticipent, ména­gent une sor­tie con­ven­able pour les deux par­ties. Nous en prenons con­science à mesure que nous sommes invités à nous en aller (range­ment bruyant des chais­es, poubelles sor­ties vigoureuse­ment, etc.).

Cha­cun s’évite une inter­ac­tion embar­ras­sante : les uns n’ont pas à rap­pel­er aux autres qu’ils ne sont que des clients. Mais ces derniers poussent par­fois jusqu’à son extrême lim­ite l’ac­cord tacite qui les préser­vait : ils décou­vrent alors les couliss­es du café, son ossa­t­ure, que l’af­faire­ment avait fini par ren­dre imper­cep­ti­bles.

Ce bref moment, sus­pendu (il y a une sorte de grâce là-dedans, comme les matins d’hô­tel sans per­son­nel), est rapi­de­ment inter­rompu par le serveur qui prévient en pas­sant, sans trop appuy­er, une fois que toutes les ressources de l’im­plicite ont été épuisées : “Juste pour vous dire qu’on va fer­mer.”