Psychanalyse | (1) Répétition, répétition, répétition…

I.

Je répète par­fois mon texte avant de la voir, prévois un sujet ou deux dans l’as­censeur que je n’abor­derai pas.

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J’ap­prends à impro­vis­er en faisant suff­isam­ment con­fi­ance à ma parole, à la respecter comme un être vivant, pour la laiss­er se déploy­er dans le temps de la séance et l’e­space du cab­i­net.

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L’ac­teur c’est d’abord la parole, et nous l’as­sis­tons ?

II.

Famille, ami-e‑s, col­lègues, incon­nu-e‑s : elle occupe tous les rôles.

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L’ac­teur, c’est d’abord la parole, et nous la représen­tons ?

III.

Je répète les mêmes actions, les mêmes erreurs pré­cisé­ment parce que les sit­u­a­tions, les choses et les hommes ne se ressem­blent jamais tout à fait (c’est leur génie) : je ne les vois pas arriv­er.

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Le savoir man­tique ne préserve pas de la répéti­tion.

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Un temps est néces­saire — incom­press­ible, long — avant d’i­den­ti­fi­er des récur­rences, des patrons sous la mul­ti­plic­ité des masques et des formes que peut pren­dre le symp­tôme.

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Un temps est néces­saire — incom­press­ible, long — avant de l’épuis­er et de s’au­toris­er à faire un pas de côté.

IV.

Dans L’In­ven­tion de Morel, Casares décrit une machine qui peut repro­duire fidèle­ment la réal­ité à l’in­fi­ni, après l’avoir tuée : cap­turé, un indi­vidu (ou plutôt : son âme, son fan­tôme) est con­damné à revivre les mêmes moments.

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Pourquoi avoir fab­riqué une telle machine ? Parce que Morel aime une femme qui ne l’aime pas : il cherche à se l’ap­pro­prier éter­nelle­ment, qu’il tue en créant sa réplique. Sous­traite au monde, fan­toma­tique, elle est main­tenant con­damnée à répéter leur ren­con­tre.

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La répéti­tion est le désir de pos­ses­sion.

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La répéti­tion finit par me pos­séder.

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La répéti­tion est le désir de pos­ses­sion qui finit par me pos­séder.

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Dans la répéti­tion, je me pos­sède : je suis à moi éter­nelle­ment.

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La répéti­tion est l’amour de soi.

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Dans la répéti­tion, je pos­sède le monde.

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Rien ne meurt en se répé­tant.

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La répéti­tion est la néga­tion de la con­tin­gence, de la fluc­tu­a­tion du monde.

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La répéti­tion est la néga­tion de la mor­tal­ité.

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La répéti­tion est la néga­tion de la mort ?

V.

Qu’est-ce qui se répète ? L’amour vivant de Morel ou son fan­tôme ? Qu’est-ce que je pos­sède dans la répéti­tion ?

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La répéti­tion est pos­ses­sion d’une représen­ta­tion.

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La répéti­tion tue pour représen­ter.

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La répéti­tion est l’in­stru­ment de la représen­ta­tion qui tue la réal­ité pour que nous la pos­sé­dions.

VI.

Dans L’In­ven­tion de Morel, le nar­ra­teur observe puis approche la fan­tôme : il cherche à don­ner l’im­pres­sion à ses poten­tiels obser­va­teurs qu’il fait par­tie de son monde et qu’ils s’ai­ment ; pour cela, il répète à ses côtés les gestes de l’amour.

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Dans la répéti­tion, j’ap­prends à pro­duire l’il­lu­sion.

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La répéti­tion est l’indice d’une préférence pour la représen­ta­tion.

VII.

Le nar­ra­teur finit par mourir, après s’être enreg­istré dans la machine pour rejoin­dre le fan­tôme de l’amour et devenir, à son tour, une copie.

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C’est le désir d’amour qui con­duit à la répéti­tion.

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Celui qui répète est une copie de sa réal­ité : il vit sa vie à côté.

VIII.

C’est alors qu’il se rap­pelle le pays qu’il a aimé et qui l’a poussé à fuir sur cette île mau­dite, après l’avoir poli­tique­ment con­damné.

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La répéti­tion est l’indice de ten­ta­tives de remé­mora­tion.

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J’ac­cède au sou­venir par la représen­ta­tion.

IX.

La répéti­tion est re-présen­ta­tion : opportunité/chance de revivre une nou­velle fois en recom­mençant dif­férem­ment.

X.

La répéti­tion est la con­di­tion du renou­veau.