Le système d’annotation de Robert Grosseste (1175–1253) est construit comme un cosmos1D’après l’excellent article et blog de Dennis Duncan, post-doctorant à Oxford en histoire du livre. D. Duncan résume les principaux travaux sur la bibliothèque de Grosseteste que j’avais déjà identifiés mais qui sont inaccessibles en ligne. Voir ainsi : Hunt, Richard W., “Manuscripts Containing the Indexing Symbols of Robert Grosseteste”, Bodleian Library Record, 4, 1953, p. 241–255 ; Hunt, Richard W., “The Library of Robert Grosseteste.” dans Robert Grosseteste, Scholar and Bishop. Essays in Commemoration of the Seventh Centenary of His Death, D.A. Callus (ed.), Oxford, Clarendon Press, 1955, p. 121–145 ; Thomson, S. Harrison, “Grosseteste’s Concordantial Signs”, Medievalia et Humanistica, 9, 1955, p. 39–53.. Il est divisé en neuf grands thèmes (“On Deo”, “Sur Dieu”, par exemple), eux-mêmes sous-divisés (“La trinité de Dieu”, “l’unité de Dieu”, etc.). À chacune de ces subdivisions correspond un symbole (lettres grecques et romaines, signes zodiacaux et mathématiques, formes géométriques, etc.).
Une tabula, récemment retrouvée2Au cours du 20ème siècle selon William Sherman. Voir son Used Books : Marking Readers in Renaissance England, University of Pennsylvania Press, Format Kindle, 2010, p. 25.dans une copie d’une Bible3La bibliothèque de Lyon possède aujourd’hui cet exemplaire, dans lequel on trouve le système de concordance de Robert Grosseteste., rassemble tous les symboles de cet ensemble daté de 1230 : elle doit permettre à son auteur de s’y référer, au moment probable où il oublierait le signifié d’un signe. Ainsi, chaque fois qu’il rencontre durant sa lecture un passage correspondant aux thèmes qu’il a définis, il inscrit en marge son symbole référent. Progressivement, des liens se tissent : plusieurs passages de textes différents ont dans leurs marges le même symbole. Pour s’éviter d’avoir à parcourir l’ensemble de ces textes, à la recherche d’un passage thématisé, il reproduit un index qui renvoie précisément aux livres dans lesquels se trouve le symbole recherché.
Ce système, comparable à un moteur de recherche personnel, s’inspire des avancées technologiques du XIème siècle (les premiers index apparaissent à cette période4Rouse, Mary A. et Rouse, Richard H., 1989, “La naissance des index” dans Henri-Jean Martin et Roger Chartier (dir.), Histoire de l’édition française, t.1, Le Livre conquérant. Du Moyen Âge au milieu du XVIIe siècle, Paris, Fayard/ Cercle de la Librairie, p. 95–108. Sur l’histoire des index voir Maniez, Jacques, Concevoir l’index d’un livre : histoire, actualité, perspectives, Paris, ADBS éditions, 2009.) et correspond à une nouvelle conception du savoir5Sur ce passage voir Illich, Ivan, Du lisible au visible : La Naissance du texte, un commentaire du “Didascalicon” de Hugues de Saint-Victor, Paris, Éditions du Cerf, 1991. : il s’agit alors moins de ruminer patiemment des textes, de les incorporer ; les textes ne sont plus seulement des jardins que l’on cultive ; ce sont aussi des mines dans lesquelles on vient creuser, chercher mille trésors qui peuvent être retrouvés par ceux qui en connaissent les coordonnées.
Notes
1. | ↑ | D’après l’excellent article et blog de Dennis Duncan, post-doctorant à Oxford en histoire du livre. D. Duncan résume les principaux travaux sur la bibliothèque de Grosseteste que j’avais déjà identifiés mais qui sont inaccessibles en ligne. Voir ainsi : Hunt, Richard W., “Manuscripts Containing the Indexing Symbols of Robert Grosseteste”, Bodleian Library Record, 4, 1953, p. 241–255 ; Hunt, Richard W., “The Library of Robert Grosseteste.” dans Robert Grosseteste, Scholar and Bishop. Essays in Commemoration of the Seventh Centenary of His Death, D.A. Callus (ed.), Oxford, Clarendon Press, 1955, p. 121–145 ; Thomson, S. Harrison, “Grosseteste’s Concordantial Signs”, Medievalia et Humanistica, 9, 1955, p. 39–53. |
2. | ↑ | Au cours du 20ème siècle selon William Sherman. Voir son Used Books : Marking Readers in Renaissance England, University of Pennsylvania Press, Format Kindle, 2010, p. 25. |
3. | ↑ | La bibliothèque de Lyon possède aujourd’hui cet exemplaire, dans lequel on trouve le système de concordance de Robert Grosseteste. |
4. | ↑ | Rouse, Mary A. et Rouse, Richard H., 1989, “La naissance des index” dans Henri-Jean Martin et Roger Chartier (dir.), Histoire de l’édition française, t.1, Le Livre conquérant. Du Moyen Âge au milieu du XVIIe siècle, Paris, Fayard/ Cercle de la Librairie, p. 95–108. Sur l’histoire des index voir Maniez, Jacques, Concevoir l’index d’un livre : histoire, actualité, perspectives, Paris, ADBS éditions, 2009. |
5. | ↑ | Sur ce passage voir Illich, Ivan, Du lisible au visible : La Naissance du texte, un commentaire du “Didascalicon” de Hugues de Saint-Victor, Paris, Éditions du Cerf, 1991. |