(À une amie)
Une fois, deux fois, 10 fois, 100 fois.. le génie des situations (et des répétitions), c’est de ne jamais se répéter à l’identique (espoir : “cette fois, ce pourrait être autrement”). La psychanalyse y voit un travail forcé : on revient là où quelque chose a été, qui affleure difficilement à la conscience. Le cabinet permet alors de répéter, dans les deux sens du terme (théâtralement, machinalement), jusqu’à (s’)épuiser, jusqu’à éclairer la part maudite.
Mais le retour est aussi fidélité à un lieu, où quelque chose a eu lieu, auquel nous avons tous participé, sans que tout le monde ne sache ce qui s’est passé. Pourquoi retourne-t-on ? Pour que l’autre reconnaisse la valeur de cet événement, cet acte fondateur : nous nous sommes rencontrés. On peut y voir une prétention et la marque d’un temps christique (téléologique, événementiel) : c’est cette conception qui nous piège (“reconnais mon importance”). Car l’autre résiste, tout en revenant : si ce n’est pour moi, c’est donc pour cette réalité agencée que nous sommes ; un lieu. Ce déni est une chance pour penser la relation autrement, à partir d’autres ontologies ou cosmologies.
Comment revenir, sans avoir à passer par l’autre, sans lequel le lieu ne peut pas exister ? La réponse relève de l’ethnographie du monde imaginal. Elle implique notamment d’explorer les priorités des lieux de retour — des pélérinages — de ce qui nous met au contact d’une soustraction telle de nous-mêmes que quelque chose d’autre peut enfin advenir, dont nous pressentons la puissance en répétant, en revenant inlassablement.