La vie que nous menons

Près de Mar­seille, dans un vil­lage — pour la retraite de mes par­ents ; on a un vrai jardin cette fois” -, la vie est calme, presque à l’ar­rêt mais c’est au repos que les choses s’assem­blent. Ma mère et sa soeur en vis­ite se lèvent vers 6h ou 7h, un peu avant les cigales, pour éten­dre le linge (“tu ver­ras c’est sec en 2h à peine !”). On ramasse un peu d’herbe, on se demande com­ment aurait fait ma grand-mère avec la terre ; ma tante mon­tre des pho­tos ; ma mère tourne la tête. Je leur demande si elles ont rêvé et de quoi, mais elles ne savent pas (ma grand-mère, sur laque­lle veil­lait ma tante au Liban, rêvait comme rêvent les gens des vil­lages : les voisins qui vien­nent et repar­tent, ce qu’on va manger, le tra­vail à faire). On va aux cours­es en se prom­enant pour ne pas rester tout le temps der­rière les volets quand même. À midi, des tomates, des hari­cots, les avo­cats en dés comme ils font à la télé, une sauce acide libanaise. On se taquine un peu, elles m’ap­pren­nent des mots en arabe (“Tu te débrouilles en fait !”), on com­mente ce qu’on a fait dans la mat­inée et ce qu’on mangera le soir, peut-être les restes de midi parce qu’il y en avait trop encore une fois. Je leur par­le de mon rêve, de leur mère qui était dans un couloir et fai­sait un geste de cui­sine : de ne pas oubli­er la recette des keb­bés et de vivre longtemps — “taw­il taw­il !”. Puis la sieste mais pas plus de 15 min­utes, ma mère avec un fond d’émis­sion, ma tante dans une cham­bre dans l’om­bre. Quand je suis ren­tré pour récupér­er un livre, elle s’est tout de suite réveil­lée (“Qu’est-ce qu’il y a, mon neveu ?”), comme s’il était encore utile d’être en alerte.