À une époque elle essayait encore d’attraper avec son épuisette les quelques papillons qu’elle distinguait dans notre obscurité : on la voyait suivre les mots du visage, comme le spectateur d’un match de tennis. Fatiguée ou ennuyée, elle se levait bientôt pour aller tricoter ou faire la vaisselle, pendant que nous mangions.
Il y a bien sûr chez elle l’habitude des milieux paysans libanais (le repas, c’est juste pour se nourrir ; pas besoin de s’attarder) mais elle reçoit aussi des heures pour discuter. Il faut donc se rendre à l’évidence : ma grand-mère maternelle s’ennuie.
Comme pour transformer par le rire l’image triste, douloureuse, qu’il avait sous les yeux, mon frère jumeau a remarqué à Noël : “Elle s’ennuie tellement elle mange les yeux des crevettes !”