Ce blog, comme ma bibliothèque, est mon corps. Contrairement à ce qu’affirment certaines théories (la cognition distribuée, par exemple), auxquelles je souscris parfois, l’espace et le monde ne sont pas ses extensions : un corps n’est pas un “meuble”, ou une unité physique (une réalité), qui pourrait se distribuer par endroits ; le corps est un assemblage continuel d’espaces, d’objets, de citations, de normes, de traces dont la partie la plus visible, la plus socialement lisible, est la chair.
Je ressens physiquement mon blog : ses billets se rappellent à moi, ils affleurent à ma conscience dans la journée, comme l’image inopinée d’un thé, d’une saveur ou d’une couleur. Pour vivre avec eux (seuls les malades sentent continuellement une partie de leur corps), je les rabote, j’enlève leurs peaux mortes ; je les nettoie. Alors, pendant quelques semaines, ils s’aplanissent, composent un monde plat, coagulent, avant de retrouver le relief et la vie sauvage dont je pensais pouvoir les priver.