Les “marginalia imprimées” sont l’ensemble des commentaires qui accompagnaient le texte imprimé au 16ème siècle. Elles s’apparentent ainsi aux “marginalia de confection” (notes de l’éditeur, foliotation, etc.) et, contrairement aux “marginalia de lecture”1Tura Adolfo, 2005, “Essai sur les marginalia en tant que pratique et documents” dans Daniel Jacquart et Danielle Burnett (dir.), Scientia in Margine. Etudes sur les marginalia dans les manuscrits scientifiques du Moyen Âge à la Renaissance, Genève, Droz, p. 261–380., ne sont pas situées après la publication d’un livre. C’est, plus familièrement, ce que l’on désigne aujourd’hui par “paratexte”.
Dans son livre consacrée à la pratique de l’annotation à l’époque moderne (15–18ème s), Heidi Brayman Hackel2Brayman Hackel Heidi, 2009, Reading Material in Early Modern England. Print, Gender, and Literacy, Cambridge (Grande-Bretagne), Cambridge University Press. consacre à cette question quelques pages. Selon elle, cette forme péritextuelle rend compte d’une méfiance vis-à-vis de la diffusion élargie des livres.
Une anxiété, traduite par une métaphore (la machine à imprimer était comparée à une “grosse femelle” productrice de monstres), se développe en effet à l’idée de laisser des livres à des lecteurs anonymes, alors que les abécédaires, de plus en plus diffusés, assurent le développement d’une littératie et, par conséquent, la naissance d’un nouveau public.
C’est que la publication ne conduit pas seulement à l’impression mais à la mise en circulation d’un livre au-delà d’un cercle restreint et choisi de lecteurs identifiés. Autrement dit : on craint ce nouveau lectorat. Les marginalia imprimées apparaissent dans ce contexte en Angleterre du 16ème au 18ème siècle. En 1605, 60 % des livres contiennent au moins une marginalia imprimée (35 % sont abondamment annotés3Slights William, Managing Readers: Printed Marginalia in English Renaissance Books, University of Michigan Press, 2001. ; ce sont la plupart du temps des livres théologiques ; le dispositif fut peu à peu étendu aux autres genres (littérature, histoire, droit).
Elles ont une fonction claire : anticiper l’interprétation du texte, inviter le lecteur à le lire entièrement avant de le juger, alors que la pratique du feuilletage ne cesse de se développer. Les épithètes mobilisées (“gentle”, “friendly”, “courteous”, “discreet”, “christian”) dans ces formes éditoriales tentaient ainsi de construire un lecteur idéal et de protéger l’auteur de la malveillance possible de ce lectorat élargi.
Notes
1. | ↑ | Tura Adolfo, 2005, “Essai sur les marginalia en tant que pratique et documents” dans Daniel Jacquart et Danielle Burnett (dir.), Scientia in Margine. Etudes sur les marginalia dans les manuscrits scientifiques du Moyen Âge à la Renaissance, Genève, Droz, p. 261–380. |
2. | ↑ | Brayman Hackel Heidi, 2009, Reading Material in Early Modern England. Print, Gender, and Literacy, Cambridge (Grande-Bretagne), Cambridge University Press. |
3. | ↑ | Slights William, Managing Readers: Printed Marginalia in English Renaissance Books, University of Michigan Press, 2001. |