Depuis quelques semaines, je lis les oeuvres de Péguy (1873–1914), que je connaissais surtout pour sa poésie d’inspiration chrétienne. Mais Péguy était aussi un essayiste (de grand talent, d’ailleurs). Dans Notre jeunesse (1910), il écrit :
Le mouvement de dérépublicanisation de la France est profondément le même mouvement que le mouvement de sa déchristianisation. C’est ensemble un même, un seul mouvement profond de démystication. C’est du même mouvement profond, d’un seul mouvement, que ce peuple ne croit plus à la République et qu’il ne croit plus à Dieu, qu’il ne veut plus mener la vie républicaine, et qu’il ne veut plus mener la vie chrétienne, (qu’il en a assez), on pourrait presque dire qu’il ne veut plus croire aux idoles et qu’il ne veut plus croire au vrai Dieu.
(…)
Tout fait croire que les deux mystiques vont refleurir à la fois, la républicaine et la chrétienne. Du même mouvement. D’un seul mouvement profond, comme elles disparaissaient ensemble, (momentanément), comme ensemble elles s’oblitéraient. Mais enfin ce que je dis vaut pour le temps présent, pour tout le temps présent. Et dans l’espace d’une génération il peut se produire tout de même bien des événements.
La visite de Macron à Lourdes n’est que la manifestation de ce que Péguy avait pressenti et dont nous avons des témoignages répétés depuis une quinzaine d’années. Chrétien d’orient (arabe), je ne m’en inquiéterais pas tant si ces retrouvailles ne se faisaient pas au détriment des français musulmans, à qui une laïcité mythologique est imposée : elle fait écran aux noces entre la république et le christianisme ; elle masque l’émergence méthodique d’une hyper-république.