(Peypin, 30 décembre)
Les émotions, comme l’hypnose, sont des dispositifs d’attention écologique : elles captent, ramassent dans l’espace social et familier des signes, des gestes, des images le plus souvent entr’aperçues qu’elles synthétisent sous la forme d’un petit corps, d’un centre délocalisé ou distribué ; elles fabriquent ainsi continuellement des micro mondes, des paysages compressés. C’est pourquoi elles peuvent aussi m’indiquer où je suis et avec qui, pour peu que je les interroge, que je les déplie, comme au réveil le corps retrouve peu à peu l’usage de ses membres, après l’ankylose du sommeil.
(Ce n’est pas tant la médiocrité de l’ancien propriétaire de la nouvelle maison de mes parents, à Peypin, qui m’avait affecté ; peu importe, au fond, qu’il ait enlevé les placards en partant. C’est que nous étions de retour au Liban, dans un état même relatif de dénuement. Mon émotion avait ainsi synthétisé plusieurs scènes et interactions, en les plaçant à un endroit du corps, avant de circuler sous une autre forme.)