Les enfants sont des passe-murailles : ils traversent les ordres du réel, passent d’humains à animaux, deviennent des lapins, des chats, mobilisent toutes les ressources à leurs dispositions (bois, boîtes, etc.) pour narrer, donner du sens à leur espace, assembler des fragments épars. Au contact du monde imaginal, cette réserve continue de possibles, ils nous offrent des solutions alternatives dans leurs dessins et leurs jeux, en simulant d’autres scénarios, en faisant un pont d’un obstacle ; ils réparent, suturent discrètement l’espace familial.
De manière paradoxale, nous avons cependant donné à cette parole une existence inédite : si elle peut jaillir continuellement (à table, en voiture, etc.), énoncer des vérités, c’est parce qu’elle est inaudible, assignée à un statut qui permet sa manifestation et sa disqualification.
Nous avons ainsi mis ces êtres à une place qui nous permet de faire l’économie de notre part imaginale, quand nous faisons pourtant l’expérience d’autres régimes d’attention, de perception et d’activité, soit que nous croyions être dans notre chambre familière à l’hôtel au réveil, soit que nous prenions un lapin pour un enfant.