(À mon neveu Ilan)
Imagiers, abécédaires, voitures et gâteaux : le monde que nous lui apprenons n’est sans doute que le nôtre. S’il voit un loup, malgré les nuances dans les différentes figures et signes que nous lui soumettons inlassablement (“C’est quoi ça ?”), c’est parce que nous n’en voyons pas non plus ou rejetons avec bienveillance ses propositions, qui ne correspondent pas à des catégories socialement partagées.
Il vient s’assurer de la stabilité de ses représentations, en nous les soumettant à son tour ou en se montrant interrogatif, face à une image qui s’éloigne un peu trop bien de celles déjà apprises. Bientôt, lorsqu’une classe stable (le loup) émergera pour se ranger à côté d’une autre, il pourra explorer le monde avec sa propre carte, dont il affinera les contours, à mesure que se présenteront à lui des figures méconnues ou semblables, qu’il devra rejeter ou classifier, pour s’assurer, tout au long de sa vie, de la cohérence de ses connaissances, sans cesse rejouées, et préserver ainsi son équilibre cognitif, confronté à la diversité et à l’instabilité.
Il pourra aussi choisir de se mettre en danger, en affinant ses critères de catégorisation ou en en adoptant d’autres, jusqu’à voir dans le loup, en malin, un loupoils (un loup avec 3 poils plus noirs) ou, en calembouriste, un loubard.