Regarde, il écrit !”

(À mon neveu Ilan)

Par­fois, sans prévenir, dans l’ag­i­ta­tion des repas et des con­ver­sa­tions, un peu absent ou rêveur, sa main se lève comme celle du chef d’orchestre  : il écrit. Cette mémoire cor­porelle et graphique sem­ble l’ar­tic­uler, le coor­don­ner, comme si les signes, incor­porés, le tra­vail­laient con­tin­uelle­ment.

***

Le monde s’of­fre à son juge­ment et à son action : livres, éti­quettes, paque­ts de céréales, boîtes de médica­ments, enseignes com­mer­ciales, il recon­naît des let­tres plus ou moins famil­ières, plus ou moins incon­nues, qu’il récite, soumet à notre appré­ci­a­tion, réper­to­rie intu­itive­ment sous une même classe, mal­gré la var­iété de leurs formes.

***

Les mots dis­paraîtront bien­tôt : il sera plus tra­ver­sé par eux qu’il ne pour­ra encore les manip­uler comme des cerceaux ou des ani­maux, les mobil­isant dans des straté­gies com­mu­ni­ca­tion­nelles, rela­tion­nelles ; ils seront devenus des “out­ils”. À moins qu’il ne tienne à cette ten­sion, qu’il la main­ti­enne pré­cieuse­ment, comme on prend soin d’un secret ou d’un faon.