Digital et Book Studies (2/2) : les formes de la matérialité numérique

La deux­ième de l’article de Matthew Kirschen­baum et Sarah Wern­er (voir 1/2), con­sacré aux rela­tions pos­si­bles entre les études sur le livre et les études numériques, revient pré­cisé­ment sur ces dernières. Après avoir mon­tré que la bib­li­ogra­phie matérielle (la dis­ci­pline qui étudie les con­di­tions de fab­ri­ca­tion, de cir­cu­la­tion et d’appropriation des livres) a fourni ses fonde­ments épisté­mologiques aux Dig­i­tal Stud­ies, les deux auteurs résu­ment les travaux qu’ils esti­ment les plus impor­tants sur la cul­ture numérique. Ils sont essen­tielle­ment anglo-sax­ons. On ne peut pas dire qu’ils nous totale­ment soient incon­nus en France : de récents arti­cles syn­thé­tiques en présen­tent les fondements1Par exem­ple : Stéphan-Éloïse Gras, “Éthique com­pu­ta­tion­nelle et matéri­al­isme numérique : l’ap­port des Soft­ware Stud­ies”, Cri­tique, 919–820, Août-sep­tem­bre 2015. et les auteurs étudiés ont par­fois fait l’objet de traduction2Par exem­ple : Alexan­dre Gal­loway, “Rets et réseaux dans la tragédie antique” dans Bernard Stiegler (dir.), Ingénierie et poli­tique des réseaux soci­aux, FYP Édi­tions, 2012.. Cela dit, on manque d’un panora­ma un peu plus large et d’une artic­u­la­tion avec les Book Stud­ies et d’autres dis­ci­plines. Je suiv­rai pour l’instant les analy­ses de Matthew Kirschen­baum et Sarah Wern­er, en les croisant à mes pro­pres lec­tures (puisqu’ils ne font par­fois qu’évoquer rapi­de­ment cer­tains titres) ; je les enrichi­rai ensuite3Cette suite a finale­ment été pub­liée dans une revue : https://rfsic.revues.org/1968, dans un autre bil­let, d’une présen­ta­tion som­maire des études français­es en la matière, évidem­ment ignorées, qui con­duira sans doute à une dis­cus­sion.

Digital Materialism et Book Studies

Fondements

Les posi­tions du « tour­nant matériel » en régime numérique va à l’encontre des thès­es habituelles (jour­nal­is­tiques) sur la sacro-sainte « dématéri­al­i­sa­tion ». Les inter­faces, les plate­formes, les ordi­na­teurs et tout ce qui tran­site en eux (les procé­dures com­pu­ta­tion­nelles, math­é­ma­tiques ; l’électronique), sont au con­traire con­sid­érés comme éminem­ment matériels. C’est pourquoi ils peu­vent faire l’objet d’une inves­ti­ga­tion auprès des spé­cial­istes du livre et de la bib­li­ogra­phie matérielle (voir 1/2). Ce matéri­al­isme est sen­si­ble à l’étude des logi­ciels, du code infor­ma­tique et des plate­formes parce qu’ils par­ticipent au cir­cuit d’élaboration de la cul­ture numérique, de son émer­gence aux moyens de sa préser­va­tion col­lec­tive et plurielle :

the mate­ri­al­ist turn assumes that com­put­ers and com­pu­ta­tion­al process­es are mate­r­i­al in nature, and thus sub­ject to doc­u­men­tary and his­tor­i­cal forms of under­stand­ing; it is tech­ni­cal­ly rig­or­ous and acknowl­edges the mate­r­i­al par­tic­u­lars of media and com­pu­ta­tion as wor­thy of crit­i­cal inves­ti­ga­tion; it under­stands the par­tic­u­lar con­straints of soft­ware, code, and plat­form as gen­er­a­tive for study­ing the process­es and prod­ucts of dig­i­tal cul­ture; it cul­ti­vates and active­ly seeks to refine an archival record for dig­i­tal cul­ture; and it under­stands the activ­i­ty of archiv­ing itself in new and capa­cious ways, that include such tech­niques as crowd­sourc­ing, hack­tivism, restora­tion and retro­com­put­ing, and cit­i­zen archivists. (p. 426)

Fondateurs lointains et précurseurs possibles

Un tel ter­rain intel­lectuel a évidem­ment été pré­paré par les Media Stud­ies, qui ont béné­fi­cié des apports des penseurs de la com­mu­ni­ca­tion, de la tech­nique et de la matéri­al­ité des sup­ports comme Ben­jamin, McLuhan (Under­stand­ing Media), Innis (The Bias of Com­mu­ni­ca­tion), Kit­tler (Gramo­phone, Film, Type­writer) et Flusser (Into the Uni­verse of Tech­ni­cal Images). Les deux auteurs de l’ar­ti­cle esti­ment qu’ils four­nissent aux spé­cial­istes du livre de pre­mières ressources pour penser leur dis­ci­pline en regard de la cul­ture numérique.

On trou­ve un exem­ple pos­si­ble de cet effort inter­dis­ci­plinaire dans une antholo­gie pub­liée en 2003 par le MIT (New Media Read­er de Noah Wardrip-Fru­in and Nick Mont­fort) où les con­tri­bu­tions de Borges, Bur­roughs et d’autres écrivains côtoient celles de Tur­ing, Wiener, Nel­son, Bush et Bern­ers-Lee’s. Le dia­logue entre des artistes, des écrivains ou des spé­cial­istes de l’in­for­ma­tique (et bien que ces trois statuts se super­posent par­fois) doit éclair­er l’o­rig­ine et les fonc­tions de l’écri­t­ure dite “hyper­textuelle” parce qu’elle inter­roge, plus fon­da­men­tale­ment, les métaphores (l’écran, la page, la fenêtre, le cadre) qui nous aident à penser notre paysage médi­a­tique.

Matthew Kirschen­baum et Sarah Wern­er font égale­ment de Johan­na Druck­er et de Kather­ine Hayles des précurseurs pos­si­bles des rela­tions entre les études livresques/universitaires et numériques. La pre­mière, col­lègue de McGann (un médiéviste et acteur impor­tant des Dig­i­tal Human­i­ties), s’est intéressée dans les années 90 à l’his­toire de l’al­pha­bet et des représen­ta­tions visuelles, en l’ar­tic­u­lant à la ques­tion du sup­port de lecture4Voir Fig­ur­ing the Word: Essays on Books, Writ­ing, and Visu­al Poet­ics, Gra­nary Books, 1998.. Dans sa per­spec­tive, riche, le livre appa­raît comme un espace archi­tec­tur­al où se mon­tent, se démon­tent et s’ex­pri­ment des visions du monde. Johan­na Druck­er a récem­ment inten­si­fié sa par­tic­i­pa­tion aux Dig­i­tal Stud­ies en pro­posant un mod­èle spécu­latif (Pat­acrital Demon) qui per­met de suiv­re et de ren­dre man­i­festes, grâce à des out­ils numériques, les proces­sus inter­pré­tat­ifs à l’oeu­vre dans tout acte de lec­ture.

Kather­ine Hayles, elle, a tou­jours étudié con­join­te­ment des oeu­vres imprimées (House of Leaves de Mark Danielews­ki) et numériques (Lex­ia to Per­plex­ia de Talan Mem­mott) pour com­pren­dre ces dernières comme des arte­facts avec leurs pro­pres spé­ci­ficités. Dans sa per­spec­tive, elles cessent d’être con­sid­érées comme des inter­faces trans­par­entes, qui ne pro­duiraient pas d’ef­fets sur la lec­ture et l’in­ter­pré­ta­tion des textes (Writ­ing Machines, MIT Press, 2002.)

Software Studies : les conditions de production des logiciels informatiques

Lev Manovich aurait évidem­ment pu faire par­tie de ces précurseurs, en plus d’être un des fon­da­teurs des études numériques avec The Lan­guage of New Media (2001). Matthew Kirschen­baum et Sarah Wern­er remar­quent tout l’in­térêt qu’il y aurait à artic­uler les principes fon­da­men­taux des Soft­ware Stud­ies, dont Manovich est l’un des pro­mo­teurs, aux traite­ments de texte comme Microsoft Word, Word­Star ou Aldus Page­Mak­er, qui sont des out­ils couram­ment util­isés ; l’his­toire du livre et des pra­tiques textuelles ne peut pas con­tin­uer à ignor­er cette ren­con­tre.

Les Soft­ware Stud­ies ne désarçon­neront pas les spé­cial­istes de la bib­li­olo­gie matérielle (voir 1/2) puisque ce champ théorique émer­gent s’in­téresse à la manière dont sont fab­riqués les logi­ciels, à leurs effets prag­ma­tiques et à leurs usages dans des com­mu­nautés déter­minées. Dans cette per­spec­tive, pro­posée par Manovich et Fuller (Soft­ware Stud­ies: a Lex­i­con, 2008), le logi­ciel devient le cen­tre névral­gique d’opéra­tions de manip­u­la­tion, d’in­ter­pré­ta­tion et d’ap­pro­pri­a­tion des savoirs auquel les chercheurs doivent prêter atten­tion parce qu’il con­di­tionne les modes de pro­duc­tion et d’ac­cès à notre cul­ture :

Why should human­ists, social sci­en­tists, media schol­ars, and cul­tur­al crit­ics care about soft­ware ? Because out­side of cer­tain cul­tur­al areas such as crafts and fine art, soft­ware has replaced a diverse array of phys­i­cal, mechan­i­cal, and elec­tron­ic tech­nolo­gies used before the twen­ty-first cen­tu­ry to cre­ate, store, dis­trib­ute and access cul­tur­al arti­facts. When you write a let­ter in Word (or its open source alter­na­tive), you are using soft­ware. (Lev Manovich, Soft­ware Takes Com­mand, 2013)

Comment étudier et qu’étudier du logiciel ?

Son étude pose cepen­dant des prob­lèmes : le logi­ciel est-il l’in­ter­face que nous avons l’habi­tude de manip­uler, dans notre expéri­ence quo­ti­di­enne bureau­tique, ou ses lignes de code source ? Où com­mence-t-il et où s’ar­rête-t-il (à l’ap­pli­ca­tion ? À l’ensem­ble des ressources — humaines, matérielles, etc. — qui lui per­me­t­tent d’ex­is­ter ?) Faut-il pren­dre en compte sa doc­u­men­ta­tion tech­nique ? Com­ment assur­er son archivage ? Com­ment les chercheurs pour­ront plus tard accéder à ces arte­facts pour faire l’his­toire de nos pratiques5Avec His­tor­i­calSoft­ware Col­lec­tion et Bit­Savers, Inter­netArchive répond en par­tie à ces questions.La deux­ième de l’article de Matthew Kirschen­baum et Sarah Wern­er (voir 1/2), con­sacré aux rela­tions pos­si­bles entre les études sur le livre et les études numériques, revient pré­cisé­ment sur ces dernières. Après avoir mon­tré que la bib­li­ogra­phie matérielle (la dis­ci­pline qui étudie les con­di­tions de fab­ri­ca­tion, de cir­cu­la­tion et d’appropriation des livres) a fourni ses fonde­ments épisté­mologiques aux Dig­i­tal Stud­ies, les deux auteurs résu­ment les travaux qu’ils esti­ment les plus impor­tants sur la cul­ture numérique.? Ces ques­tions sont fon­da­men­tales : elles déter­mi­nent les approches et les instru­ments théoriques néces­saires à l’é­tude du logi­ciel. Si l’on con­sid­ère qu’il com­mence et s’ar­rête à l’ap­pli­ca­tion, on se con­tentera d’analy­ses sémi­o­tiques strictes ; une approche anthro­pologique (ou anthro­po-sémi­o­tique), elle, néces­sit­era des enquêtes ethno­graphiques auprès des con­cep­teurs de ces logi­ciels, pour com­pren­dre le champ con­ceptuel qui les sous-tend, comme le mon­tre Belin­da Bar­net dans Mem­o­ry Machines : The Evo­lu­tion of Hyper­text.

Des méthodologies possibles

Ethnographie de l’informatique

software-studies-fuller-manovich-digital-studies-etudes-numeriques-epistemologie1-245x300Le livre dirigé par Fuller (Soft­ware Stud­ies) offre des approches var­iées, même s’il peut laiss­er penser que le logi­ciel se réduirait à une addi­tion de ter­mes (inter­face, bou­tons, algo­rithme, pix­els, code source, visu­al­i­sa­tion, etc.) qui l’épuis­eraient. L’ar­ti­cle “Eth­no­com­put­ing” de Mat­ti Tde­dre et Ron Eglash artic­ule la soci­olo­gie des sci­ences et des tech­niques, l’in­ter­ac­tion­nisme et le con­struc­tion­nisme pour tra­vailler con­join­te­ment le social et l’in­for­ma­tique. Les deux auteurs ont l’am­bi­tion de faire une his­toire socio­cul­turelle de l’in­for­ma­tique. On ne peut pas com­pren­dre com­ment cer­tains logi­ciels ont été mis au point sans notam­ment pren­dre en compte les con­tro­ver­s­es qui les ont ani­més. Le pro­jet OLPC (“One Lap­top per Child”), dévelop­pé par des chercheurs du MIT, a par exem­ple sus­cité la méfi­ance de cer­tains respon­s­ables africains, qui dénon­cèrent une main­mise améri­caine.

En out­re, la con­cep­tion logi­cielle néces­site des études ethno­graphiques, capa­bles de guider les infor­mati­ciens et les graphistes dans leur tra­vail. Mat­ti Tde­dre et Ron Eglash citent le cas de deux chercheurs qui ont con­nu un échec en ten­tant de rem­plac­er la métaphore du bureau (cor­beille, dossier, etc.) par des métaphores spa­tiales (cham­bres, maisons, vil­lages, etc.). En inten­si­fi­ant leurs recherch­es ethno­graphiques sur les pop­u­la­tions afro-améri­caines, ils ont fini par com­pren­dre que la con­tes­ta­tion de la métaphore bureau­tique offrait moins d’in­térêt que la com­préhen­sion fine des procé­dures de recherche, pré­cisé­ment nég­ligées par cette représen­ta­tion visuelle mon­di­ale­ment adop­tée.

Archéologie de l’informatique

La démarche de Lev Manovich est d’abord archéologique dans Soft­ware Takes Com­mand (MIT, 2013) : elle con­siste à relire les travaux des infor­mati­ciens des années 60–70 (Lick­lid­er, Ivan Suther­land, Ted Nel­son, Dou­glas Engel­bart, Alan Kay, Negro­ponte), eux-mêmes héri­tiers des théories artis­tiques (futur­isme, poésie con­crète, etc.), qui ont en grande par­tie pen­sé et façon­né nos pra­tiques doc­u­men­taires con­tem­po­raines, comme le remix ou le partage. Alan Ray, par exem­ple, envis­ageait l’or­di­na­teur comme un moyen capa­ble de stim­uler des arts et des pra­tiques (pho­tographiques, pic­turales) et d’en créer ou d’en favoris­er aus­si de nou­velles, comme le col­lage. De la même façon, Ivan Suthen­land a posé en 1963 avec Sketch­pad ou Super­Paint les fonde­ments de nos logi­ciels de créa­tion (Pho­to­shop, After Effects, etc.).

Sa démarche est égale­ment matérielle puisque Manovich se con­tente d’observ­er des trans­for­ma­tions graphiques ou esthé­tiques (bou­tons, menus, etc.), d’i­den­ti­fi­er des cristalli­sa­tions iconiques, sans con­jec­tur­er une influ­ence improb­a­ble sur nos synaps­es et notre manière de penser.

Sa démarche est enfin sociotech­nique et anthro­pologique : Manovich con­sid­ère, à juste titre, que les logi­ciels sont le pro­duit d’un ensem­ble d’ac­teurs qui les trans­for­ment, les affinent, les ajus­tent par rap­port à la con­cur­rence et selon des fac­teurs certes graphiques ou infor­ma­tiques mais égale­ment inter­ac­tion­nistes, com­mer­ciales, organ­i­sa­tion­nelles. Des mon­des soci­aux (celui des artistes numériques, comme Aaron Koblin ou Jere­my Blake) en côtoient d’autres (ceux des graphistes, des infor­mati­ciens, etc.) dans des espaces pro­fes­sion­nels où ils appren­nent à négoci­er leurs visions du monde et leurs pra­tiques.

Critical Code Studies : une herméneutique du code

Si les Soft­ware Stud­ies s’in­téressent en par­tie au code infor­ma­tique, les Crit­i­cal Code Stud­ies en ont fait leur objet d’é­tude. Cette dis­ci­pline s’ap­puie sur l’idée, héritée de Don­ald Knuth6Donald Knuth, “Lit­er­ate Pro­gram­ming”, Stan­ford, Cen­ter for the Study of Lan­guage and Infor­ma­tion, 1992., que le code infor­ma­tique est un “essai lit­téraire” adressé à des humains pour être inter­prété et com­pris, comme le remar­quent très bien les deux auteurs de l’ar­ti­cle. Dans cette per­spec­tive, la pro­gram­ma­tion appa­raît comme une “activ­ité let­trée”7Milad Douei­hi, Pour un human­isme numérique, Seuil, 2011.qui a cepen­dant sa pro­pre struc­ture, dif­férente de la tra­di­tion sco­las­tique. C’est pourquoi elle néces­site des out­ils ana­ly­tiques adaptés.Avant de présen­ter les trois livres cités par Matthew Kirschen­baum et Sarah Wern­er, qui sont des exem­ples appliqués des Crit­i­cal Code Stud­ies, je met­trai au jour ces out­ils et la con­sti­tu­tion pro­gres­sive de cette dis­ci­pline, en m’ap­puyant sur des lec­tures per­son­nelles et des ter­rains en cours d’ex­plo­ration.

Fondements

En 2006, Marc C. Marin pose les fonde­ments des Crit­i­cal Code Studies8Marc C. Marin, “Crit­i­cal Code Stud­ies”, 4 avril 2006, con­sulté le 20/08/2014. Selon lui, le code infor­ma­tique doit être con­sid­éré comme un texte, soit un sys­tème de signes avec sa pro­pre rhétorique9Voir aus­si Robert E. Cum­mings, “Cod­ing with pow­er : Toward a rhetoric of com­put­er cod­ing and com­po­si­tion”, Com­put­ers and Com­po­si­tion, 23, 2006, p. 430–443.. Les Crit­i­cal Code Stud­ies se présen­tent comme une her­méneu­tique, sen­si­ble à l’in­ter­pré­ta­tion du code infor­ma­tique et à son con­texte socio-his­torique de pro­duc­tion (“code is social, semi­otic sys­tem employ­ing gram­mar and rhetoric” écrit Marin). En tant qu’ ”acte per­for­matif” (“per­for­ma­tive act”10Geoff Cox et Alex McLean, Speak­ing Code: Cod­ing as Aes­thet­ic and Polit­i­cal Expres­sion (Soft­ware Stud­ies), The MIT Press, 2012 ; Inke Arns, “Code as per­for­ma­tive speech act”, Art­notes.) , il n’est pas neu­tre : il porte des valeurs. Le code est une pra­tique culturelle11John Cay­ley, “Cod­ing as prac­tice”, 2008, con­sulté le 20/08/2014. à par­tir de laque­lle s’or­gan­isent des com­mu­nautés de savoirs qui définis­sent les normes de sa pro­duc­tion et de son util­i­sa­tion12Voir Stéphane Cou­ture, “L’écriture col­lec­tive du code source infor­ma­tique”, Revue d’anthropologie des con­nais­sances, 25 avril 2012, vol. 61, no 1, p. 21‑42.

Le commentaire informatique comme pratique philologique

Dans les années 80–90 jusqu’à aujourd’hui13Denis Krukovsky, “How to Write Com­ments”, 19 juil­let 2005 ; James Edwards, “Com­ment-Dri­ven Devel­op­ment”, 10 octo­bre 2007 ; David Njoku, “How to make com­ments the most impor­tant ‘code’ you write”, 23 novem­bre 2011., les codeurs ont été incités à doc­u­menter leur code pour le ren­dre le plus com­préhen­si­ble pos­si­ble par des humains. C’est pourquoi Don­ald Knuth envis­ageait l’écri­t­ure infor­ma­tique comme un “essai lit­téraire”. Comme tout pro­fes­sion­nel de l’écri­t­ure, le pro­gram­meur, muni de son thésaurus, choisi en effet des vari­ables et les doc­u­mente.

commentaires-annotation-code-informatique-java
Un exem­ple de com­men­taire intro­duit par // dans une ligne de code (x = 1) en Java. 14 Source : http://javadude.com/articles/comments.html.

La ges­tion, l’in­té­gra­tion et la dis­po­si­tion des com­men­taires dépen­dent bien évidem­ment de chaque lan­gage de programmation15Liste détail­lée ici.. Mais dans l’ensem­ble, un code se présente sous la forme de lignes de pro­gram­ma­tion qui se suiv­ent. Et l’in­tro­duc­tion de com­men­taires con­duit à dif­férentes straté­gies de dis­tinc­tions graphiques16Voir ici et ici..

Or, l’écri­t­ure de ces com­men­taires emprunte à la cul­ture let­trée et à la tra­di­tion philologique son vocab­u­laire et ses tech­niques. David Njoku, un pro­gram­meur, con­seille de pro­duire une “pré­face” (“pref­ac­ing”) à l’in­ten­tion des lecteurs de son code :

This is the prac­tice of start­ing each pro­gram­ming unit with a block com­ment that briefly describes it. Ide­al­ly, the pref­ace should not be over­ly long, and it should sum­ma­rize the pur­pose of its pro­gram­ming unit. The advan­tages of pref­ac­ing are twofold: it is a use­ful tool for any main­tain­ers who may need to under­stand the code in the future; but it can also be ben­e­fi­cial for the devel­op­er writ­ing the code, help­ing to con­cretize his pur­pos­es in his mind. 17David Njoku,“How to make com­ments the most impor­tant ‘code’ you write”, 23 novem­bre 2011, http://allthingsoracle.com/how-to-make-comments-the-most-important-code-you-write/.

La “préface” a essen­tielle­ment trois fonc­tions : elle four­nit un résumé des objec­tifs du code, elle assure la pérennité de sa sig­ni­fi­ca­tion, en le ren­dant compréhensible pour des lecteurs futurs, qui n’ont pas nécessairement con­nais­sance des con­di­tions de pro­duc­tion du code. Enfin, la “préface” est un procédé réflexif qui per­met au codeur de con­sci­en­tis­er ses actions.

Par­mi la typolo­gie proposée par ce codeur fig­ure également la forme “revi­sion his­to­ry” :

It can be use­ful to main­tain a his­to­ry of revi­sions that a pro­gram­ming unit has gone through. Typ­i­cal­ly, this revi­sion his­to­ry will be part of the com­ment pref­ace block, and will note the name of the devel­op­er who has made a change, the date and a short descrip­tion of the change, includ­ing the fac­tors that neces­si­tat­ed it. […] Any­one main­tain­ing your code in the future will thank you for includ­ing a revi­sion his­to­ry. The iden­ti­ty of the devel­op­er who has made a par­tic­u­lar change is not so impor­tant, how­ev­er, it may one day be vital to know when a change was made and why.

Ce pas­sage est plein d’en­seigne­ment. C’est la preuve que la pro­gram­ma­tion est une activité lettrée et savante, du moins si on la com­pare à la pra­tique des bibliothèques d’Alexandrie :

A la trans­mis­sion du texte s’a­joutait une tra­di­tion spécifique, où se con­ser­vait la mémoire de ces différentes inter­ven­tions cri­tiques, l’his­toire de ces lec­tures savantes. Le com­men­taire, dès les Alexan­drins, était l’un des lieux du tra­vail éditorial, explic­i­tant les cor­rec­tions suggérées par les signes mar­gin­aux. (Chris­t­ian Jacob, 2001, “La carte des mon­des lettrés”, dans Luce Gia­rd et Chris­t­ian Jacob (dir.), Des Alexan­dries, t. 1, Du livre au texte, Paris, Éditions de la BnF, p. 11–40.)

Les com­men­taires sont pour le codeur le moyen de déterminer la respon­s­abilité des états du texte en affec­tant à cha­cun d’entre eux un auteur iden­ti­fié. Le code s’inscrit dans une tem­po­ralité et une vie longue qui per­me­t­tent à une chaîne de lecteurs d’en retrou­ver les étapes, d’en com­pren­dre les particularités, d’en saisir les styles d’écriture et les objec­tifs.

Qu’analyser du programme informatique ?

Dès lors, que doit-on analyser d’un pro­gramme infor­ma­tique? “Tout”, pour repren­dre M. C. Marin (“every­thing”), c’est‑à-dire la doc­u­men­ta­tion, les lignes de code, les com­men­taires, les struc­tures, les éléments para­textuels (auteur, descrip­tion, his­toire, voire même les sources de finance­ment publiques mentionnées).

Insis­tons, en effet : le code infor­ma­tique s’adresse peut‑être à la machine, mais également à des pro­gram­meurs, qui doivent pou­voir le réutiliser, et à des non- pro­gram­meurs (chefs de pro­jets, par exem­ple). Plus précisément, le pro­gram­meur con­stru­irait dans son code une autre “audi­ence”18Robert E. Cum­mings (“Cod­ing with pow­er : Toward a rhetoric of com­put­er cod­ing and com­po­si­tion”, Com­put­ers and Com­po­si­tion, 23, 2006, p. 430–443.) s’appuie sur les travaux de référence de Ong (“The Writer’s Audi­ence is Always a Fic­tion”, Mod­ern Lan­guage Asso­ci­a­tion, 90 (1), 1975, p. 9–21), notam­ment sur la notion de “read­er­ship” (con­cep­tion abstraite que se fait un écrivain de son pub­lic), pour pro­pos­er une dis­tinc­tion entre l’audience “invoquée” dans l’écriture du code (“audi­ence invoked”, p. 437) et une audi­ence à qui s’adresse le pro­gram­meur (“audi­ence addressed”, Ibid.)., une audi­ence postulée, imaginée, qui déter­mine l’hori­zon d’at­tente du pro­gramme infor­ma­tique

Code source, code binaire

Il faut cepen­dant s’entendre sur la notion de “code infor­ma­tique”. Sans entr­er dans les détails tech­niques d’une “gram­ma­tolo­gie du disque dur”19Matthew Kirschen­baum, “Extreme inscrip­tion: The gram­ma­tol­ogy of the hard dri­ve”, Text Tech­nol­o­gy, 13 (2), 2004, p. 91–125., on peut dis­tinguer différents codes : le code source, d’abord, ensem­ble d’instructions structurées écrites dans un lan­gage de pro­gram­ma­tion et le code binaire, ensuite, exécuté par la machine à par­tir d’une tra­duc­tion du code source en une suite de 0 et de 1. Dans le pre­mier cas, le code source s’“adresse” à la machine, dans un lan­gage compréhensible et manip­u­la­ble par des humains (le lan­gage source, ou “del­e­gat­ed code”) ; dans le sec­ond cas, le code binaire est une trans­for­ma­tion, appelée “com­pi­la­tion”, du code source pour per­me­t­tre son exécution par la machine (le lan­gage cible).

Les Crit­i­cal Code Stud­ies s’intéressent au “code source”, tan­dis que les Soft­ware Stud­ies sont atten­tives aux logi­ciels, c’est‑à-dire au code source com­pilé et traduit visuelle­ment par la machine dans ce que nous appelons des “inter­faces graphiques” (Berry par­le aus­si de “pre­scrip­tive code”20David M. Berry, “A Con­tri­bu­tion Towards a Gram­mar of Code”, The Fibrecul­ture Jour­nal, 13, 2008 et David M. Berry, The Phi­los­o­phy of Soft­ware. Code and Medi­a­tion in the Dig­i­tal Age, Bas­ingstoke, Pal­grave Macmil­lan, 2011.). Mais le code ou les logi­ciels ne pas seule­ment régis par des lan­gages spécifiques ; ce sont des formes cul­turelles qui impliquent des pra­tiques, des savoir-faire, des imag­i­naires et des représentations21Manovich par­le de “cul­tur­al soft­ware” dans Soft­ware Takes Com­mand, The MIT Press, 2013..

Critical Code Studies appliqués

Les deux pre­mières études citées par Matthew Kirschen­baum et Sarah Wern­er répon­dent à un pro­gramme assez clas­sique des Crit­i­cal Code Stud­ies, soit l’é­tude du code infor­ma­tique à l’ex­clu­sion de ses con­di­tions sociales de pro­duc­tion :

Crit­i­cal code schol­ars are giv­en to close read­ings of indi­vid­ual lines of com­put­er code, look­ing for the expres­sive dimen­sion of such ele­ments as the names giv­en to vari­ables or the choice of con­di­tion­al struc­tures used to gov­ern the actions of the pro­gram; how­ev­er they also locate agency at the lev­el of the process the code enacts, the spe­cif­ic com­pu­ta­tion­al behav­iors set in motion by the source code. (p. 432)

Expressive Processing

Dans son livre Expres­sive Pro­cess­ing: Dig­i­tal Fic­tions, Com­put­er Games, and Soft­ware Stud­ies (MIT Press, 2009), Noah Wardrip-Fru­in, pro­fesseur asso­cié au départe­ment d’in­for­ma­tique de l’U­ni­ver­sité de Cal­i­fornie, fait de l’analyse du code une néces­sité civique, comme il déter­mine toutes nos procé­dures quo­ti­di­ennes, de la recherche à tra­vers l’al­go­rithme de Google aux sys­tèmes qui guident les avions et mod­i­fient par con­séquent notre rap­port à l’espace22Rob Kitchin, Mar­tin Dodge, Code/Space: Soft­ware and Every­day Life, The MIT Press, 2014.. L’ap­pel­la­tion “expres­sive process” désigne à la fois l’é­tude des forces qui régis­sent nos inter­ac­tions médi­atisées et la mise au jour de choix esthé­tiques, plus ou moins per­cep­ti­bles dans les inter­faces infor­ma­tiques. L’au­teur fait l’é­tude de la per­for­ma­tiv­ité du code (il a des effets) et de son expres­siv­ité, à tra­vers ce qui le phénomé­nalise, le rend vis­i­ble. Wardrip-Fru­in s’in­téresse aus­si bien à des pro­grammes infor­ma­tiques his­toriques (Eliza, années 60) qu’à des jeux vidéos (War­craft, Sec­ond Life, etc.), pour met­tre au jour trois effets :

  • l’ef­fet “Eliza” : dans les années 60, Weizen­baum mit au point un psy­chothérapeute virtuel (nom­mé Eliza) qui pou­vait s’en­gager dans une “inter­ac­tion” avec un humain, à par­tir d’un jeu de questions/réponses qui s’ap­puyaient sur des struc­tures lin­guis­tiques sim­ples. Très vite pour­tant l’usager se rendait compte de la supercherie. Ce que Wardrip-Fru­in appelle “l’ef­fet Eliza” est la capac­ité d’un dis­posi­tif infor­ma­tique à sug­gér­er à un audi­toire sa com­plex­ité illu­soire.
  • l’ef­fet “Tale-Spin” : inverse­ment, l’ef­fet “Tale-Spin” désigne un pro­gramme infor­ma­tique qui échoue à faire val­oir sa richesse auprès de son audi­toire. Les pre­miers jeux, comme Tale-Spin, met­taient en scène des per­son­nages rel­a­tive­ment com­plex­es, capa­bles d’en­tretenir des inter­ac­tions ou de se fix­er des objec­tifs. Mais peu de gens pou­vaient s’en ren­dre compte.
  • l’ef­fet Sim­C­i­ty : enfin, l’effet“SimCity” (jeu auquel j’ai beau­coup joué, ado­les­cent) désigne la capac­ité de pro­gramme infor­ma­tique à répli­quer leur com­plex­ité struc­turelle dans les out­ils mis à dis­po­si­tion d’un util­isa­teur. Le joueur de Sim­C­i­ty pou­vait mobilis­er une palette très impor­tante de moyens pour con­stru­ire une ville simulée, qui devait artic­uler entre eux des paramètres soci­aux, tech­niques, juridiques, économiques, écologiques.

Une critique génétique du code informatique

Dans une autre étude, Den­nis Jerz23Dennis Jerz, “Some­where Near­by is Colos­sal Cave: Exam­in­ing Will Crowther’s Ori­gi- nal ‘Adven­ture’ in Code and in Ken­tucky”, Dig­i­tal Human­i­ties Quar­ter­ly 1.2, 2007., pro­fesseur asso­cié en anglais (Seton Hill Uni­ver­si­ty), se livre à une analyse appro­fondie du code For­tran avec lequel a été écrit un jeu comme Colos­sal Cave Adven­ture dans les années 70. C’est à par­tir des mul­ti­ples ver­sions du code de William Crowther, le créa­teur du jeu, que Den­nis Jerz repère des ori­en­ta­tions, des ajouts et des cor­rec­tions. Le chercheur pra­tique une forme de “cri­tique géné­tique”, en débusquant des vari­antes pour dress­er la carte de tous les pos­si­bles d’un pro­gramme.

Une seule ligne de code et c’est le monde

Enfin, le dernier livre cité par Matthew Kirschen­baum et Sarah Wern­er fait l’é­tude de son pro­pre titre (10 PRINT CHR$(205.5+RND(1)); : GOTO 10), soit une ligne de code en BASIC qui tour­nait sur des ordi­na­teurs Com­modore 64, capa­ble de pro­duire unlabyrinthe aléa­toire :

10-print-commodore-64
Un labyrinthe créé à par­tir d’une seule ligne de code.

Le livre traite plus générale­ment de la pen­sée algo­rith­mique sous dif­férents angles, du labyrinthe chez les grecs à la pro­gram­ma­tion infor­ma­tique, en con­vo­quant un ensem­ble de con­cepts (régu­lar­ité, aléa­toire, etc.) et d’ob­jets (le lan­gage BASIC, les ports, etc.) pour éclair­er les enjeux du hasard cal­culé (voir “Peut-on recon­naître la lit­téra­ture numérique ? (I) Matière, écart, lan­gage”). Ce sont des rela­tions rich­es qui se jouent entre le labyrinthe, le pro­gram­meur et l’u­til­isa­teur car si le pro­gram­meur est l’ar­chi­tecte du labyrinthe, le pro­gramme, lui est son con­struc­teur. Ces deux acteurs ne peu­vent en out­re pas ignor­er un util­isa­teur dont la cul­ture n’a cessé de pro­gress­er depuis les années 80, alors que les labyrinthes se sont mul­ti­pliés dans les jeux vidéos. C’est pourquoi le cal­cul du hasard s’est aus­si com­plex­i­fié. Ain­si, le tra­vail de la métaphore labyrinthique met au jour des procé­dures intel­lectuelles, matérielles, sociales, des années 80 à aujour­d’hui. Dans cette per­spec­tive, la ligne 10 PRINT CHR$(205.5+RND(1)); : GOTO 10 a une valeur métonymique : elle porte en elle le monde. C’est en ce sens que la démarche de 10 Print dif­fère des deux autres : le code infor­ma­tique est certes envis­agé comme un texte, mais dans le sens que lui auraient don­né les sémi­oti­ciens ou un anthro­po­logue comme Geertz, soit une den­sité sociale, cul­turelle, his­torique à déchiffr­er.

Plateform Studies : le sens du détail matériel

C’est pourquoi je rel­a­tivis­erais le con­stat dressé par Nick Mont­fort et Ian Bogost, que relaient Matthew Kirschen­baum et Sarah Wern­er, au sujet des Crit­i­cal Code Stud­ies :

[plate­form] is the abstrac­tion lev­el beneath code, a lev­el which has not yet been sys­tem­at­i­cal­ly stud­ied. If code stud­ies are new media’s ana­logue to soft­ware engi­neer­ing and com­put­er pro­gram­ming, plat­form stud­ies are the human­is­tic par­al­lel of com­put­ing sys­tems and com­put­er archi­tec­ture, con­nect­ing the fun­da­men­tals of new media work to the cul­tures in which they were pro­duced and the cul­tures in which cod­ing, forms, inter­faces, and even­tu­al use are lay­ered upon them.

Nick Mont­fort et Ian Bogost lais­sent penser que la dimen­sion anthro­pologique man­querait au Crit­i­cal Code Stud­ies, con­traire­ment aux Plate­form Stud­ies qui relieraient le sub­strat matériel de l’in­for­ma­tique aux logiques cul­turelles qui les sous-ten­dent. Cela dit, si les Crit­i­cal Code Stud­ies font des incur­sions dans ce domaine, les Plate­forms Stud­ies pensent théorique­ment cette artic­u­la­tion.

La notion de “plateforme”

Elle est assumée dans l’ou­vrage de Nick Mont­fort et Ian Bogost (Rac­ing the Beam The Atari Video Com­put­er Sys­tem, The MIT Press, 2009), qui analy­sent con­join­te­ment le tech­nique et le cul­turel, la con­sole de jeu vidéo Atari des années 70/80 et ses implications24D’autres livres de la même col­lec­tion du MIT s’in­téressent au Com­modore Ami­ga, aux lab­o­ra­toires Bell, à la tech­nolo­gie Flash.. Là aus­si, une hypothèse métonymique ani­me le pro­jet puisque le terme“Atari” ser­vait à la fin des années 80 à désign­er toute con­sole de jeu vidéo. Autrement dit : Atari est la porte d’en­trée à une par­tie de la cul­ture des années 70/90, voire au-delà, comme l’ar­chi­tec­ture de cette con­sole a servi de fonde­ments à de nom­breux jeux vidéos, qui ont pro­longé son geste inau­gur­al. Les “plate­formes”, comme celles de Flash également25Anastasia Salter et John Mur­ray,Flash — Build­ing the Inter­ac­tive Web, Cam­bridge, Mass­a­chu­setts, MIT Press, 2014., créent donc une cul­ture.

Que recou­vre ce terme : “plate­form” ? Dans l’in­tro­duc­tion à leur ouvrage, Nick Mont­fort et Ian Bogost don­nent quelques pistes. Une “plate­forme”, c’est une abstrac­tion, c’est-à-dire une spé­ci­fi­ca­tion (un algo­rithme, par exem­ple) qui n’a pas encore été traduite dans un lan­gage de pro­gram­ma­tion. Mais pour être util­isée, une plate­forme a besoin de pren­dre une tour­nure matérielle (câbles, périphériques, etc.) et phénomé­nale (sys­tème d’ex­ploita­tion, inter­faces). Or, cette tour­nure peut entraver des expres­sions com­pu­ta­tion­nelles : elle déter­mine la manière dont des pro­gram­meurs tra­vailleront, comme c’est par exem­ple le cas avec l’Ap­p’­S­tore qui impose des règles spé­ci­fiques à par­tir desquelles les appli­ca­tions sont écrites.

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Con­sole de jeu Atari

C’est bien l’ar­tic­u­la­tion entre ces dif­férents niveaux qui intéressent Nick Mont­fort et Ian Bogost, qu’ils tes­tent sur six jeux, conçus pour Atari (Com­bat, 1977 ; Adven­ture, 1979 ; Star Wars: The Empire Strikes Back, 1980 ; Pac-Man, 1982 ; Yar’s revenge, 1981 ; Pit­fall!, 1982) et grâce aux­quels de nom­breux prob­lèmes peu­vent être tra­vail­lés. En tant qu’adap­ta­tion, Star Wars: The Empire Strikes Back exige par exem­ple de pren­dre en compte le pas­sage d’une forme médi­a­tique à une autre. De la même façon, Pit­fall!, dévelop­pé par Activi­sion pour Atari, per­met de com­pren­dre com­ment des développeurs externes à la plate­forme ont pen­sé l’im­plan­ta­tion de leur tra­vail. Des ques­tions aus­si bien sémi­o­tiques qu’in­for­ma­tiques ou sociales se posent donc au chercheur.

Pour les études sur le livre, penser en terme de “plate­forme” peut s’avér­er fructueux. Un dis­posi­tif comme celui du Kin­dle invite par exem­ple à se pencher sur des ques­tions tech­niques (fonc­tion­nement de la machine), esthé­tiques (choix de tels signes dans une inter­face) qui sont autant de con­traintes et de ressources pour l’usager.

Pour résumer : les Plate­form Stud­ies font des détails matériels, regroupés à par­tir de la notion de “plate­forme”, l’indice d’un rap­port inter­sub­jec­tif, inter­ac­tion­nel, com­mu­ni­ca­tion­nel, his­torique, cor­porel.

Le corps et la plateforme

Si ce dernier point (le corps) est moins traité par Nick Mont­fort et Ian Bogost, il fait l’ob­jet d’une autre étude : Code­name Rev­o­lu­tion. The Nin­ten­do Wii Plat­form de Steven E. Jones et George K. Thiru­vathukal (col­lec­tion “Plate­form Stud­ies” de The MIT Press, 2012). Les deux auteurs inter­ro­gent aus­si bien les périphériques (Wii Remote, Wii bal­ance, etc.) que les logi­ciels, qui s’en­trela­cent comme les corps des util­isa­teurs, insérés dans un espace social choré­graphié, où les uns s’a­jus­tent aux gestes des autres, tan­dis qu’ils suiv­ent leur représen­ta­tion à l’écran. La cul­ture numérique par­ticipe ain­si de l’élab­o­ra­tion et de la man­i­fes­ta­tion des corps dans l’e­space.

Media Archaeology : une histoire matérielle des médias

Le dernier courant présen­té Matthew Kirschen­baum et Sarah Wern­er n’est pas nord-améri­cain comme les trois autres mais européen. Un livre fon­da­teur (Media Archae­ol­o­gy — Approach­es, Appli­ca­tions, and Impli­ca­tions de Parik­ka et Huh­ta­mo, 2011) en présente les out­ils théoriques et méthodologiques. On a man­i­feste­ment affaire à un nomadisme con­ceptuel puisque les Media Archae­ol­o­gy sont — en par­tie — une réélab­o­ra­tion de L’archéolo­gie du savoir de Fou­cault. Dans son livre, Fou­cault cher­chait à suiv­re la for­ma­tion des énon­cés, des objets, des con­cepts (l’idée d’une “langue uni­verselle” au XVI­I­Ième par exem­ple) pour analyser leur dis­per­sion, leurs trans­for­ma­tions et leurs liaisons éventuelles autour de straté­gies dans lesquelles ils finis­saient par s’har­monis­er. Il plaidait ain­si pour la mise au jour des schèmes qui lient des réal­ités qu’on doit con­sid­ér­er comme mul­ti­ples et dif­férentes. Des ter­mes comme “tra­di­tion”, “influ­ence”, “évo­lu­tion”, “men­tal­ité”, s’ils ne sont pas défini­tive­ment con­damnés par cette approche, font l’ob­jet d’une étude minu­tieuse, pour iden­ti­fi­er des points de rup­tures et de con­ti­nu­ités.

La dynamique médiatique

Les Media Archae­ol­o­gy ont une ambi­tion sim­i­laire : nous aider à com­pren­dre com­ment un “média”26“Un média est une représentation de la réalité, organisée par un dis­posi­tif d’énonciation, pub­li­able sur différents sup­ports.” Voir Broudoux Eve­lyne, Out­ils, pra­tiques autori­ta­tives du texte, con­sti­tu­tion du champ de la lit­téra­ture numérique, Thèse de doc­tor­at, Uni­ver­sité Paris VIII Vin­cennes-Saint Denis, 2003, p. 41., un sup­port médi­a­tique, finis­sent par se sta­bilis­er, que ce soit tech­nique­ment, dis­cur­sive­ment ou sociale­ment. Le livre, par exem­ple, n’a pas tou­jours été accom­pa­g­né de dis­cours flat­teurs : pen­dant des siè­cles, on a pu se méfi­er de ses effets  (per­ver­sion de la jeunesse, sur­charge intel­lectuelle, etc.) et ce n’est que très récem­ment qu’il a acquis un pres­tige social27Voir Anne-Marie Charti­er et Jean Hébrard, Dis­cours sur la lec­ture, Fayard, 2000., si bien que tout le monde se presse à son chevet. 28Jah­jah Marc, “Pro­tée ou les muta­tions du livre”, Cri­tique, 2015.

L’agent-archive

Les Media Archae­ol­o­gy se récla­ment cepen­dant d’autres approches et d’autres tra­di­tions. Elles sont par exem­ple proches des thès­es de Kit­tler (Gramo­phone, Film, Type­writer) et de Ernst (Dig­i­tal Mem­o­ry and the Archive) quand elles réfléchissent à la manière dont une archive29Chez Fou­cault une “archive” n’est pas l’ensem­ble des textes passés que nous avons con­servés, ou con­ver­sons, et qui con­stitueraient notre mémoire fos­sil­isée. L’archive est un sys­tème d’énon­cés, c’est-à-dire un ensem­ble strat­i­fié d’arte­facts (phras­es, tableaux, graphiques, etc.) qui s’en­tremê­lent, se neu­tralisent, qual­i­fient un événe­ment et fix­ent pro­vi­soire­ment ses ori­en­ta­tions per­cep­tives. Ce sys­tème est évidem­ment capa­ble de trans­for­ma­tions, lorsqu’on l’en­vis­age sur la longue durée. C’est pourquoi le livre a fini par devenir un objet de culte, alors qu’il était soupçon­né de tous les maux, parce qu’il a fait tour à tour l’ob­jet de dis­cours négat­ifs puis posi­tifs, dans un ensem­ble hétérogène de formes : fic­tion romanesque, affich­es, lois, films, etc. se con­stitue, grâce à l’ar­tic­u­la­tion d’ac­teurs hétérogènes (humains, tech­niques, etc.), ou lorsqu’elles font de l’archive sa pro­pre force motrice, comme elle passe par une série de trans­for­ma­tions machiniques sur lesquelles les humains ont finale­ment peu de prise.

Carte, post-it, fichiers, MP3

En out­re, l’am­bi­tion con­ser­va­trice des Media Archae­ol­o­gy les rap­proche de la bib­li­ogra­phie matérielle ou de la sci­ence archivis­tique : elles sont en effet sen­si­bles à la préser­va­tion des objets cul­turels (livre dans un cas, ordi­na­teurs dans l’autre), parce qu’ils por­tent les traces de la manière dont les hommes ont pen­sé leur rap­port à la mémoire jusqu’aux sup­ports numériques30Wendy Hui Kyong Chun, Pro­grammed Visions: Soft­ware and Mem­o­ry, Reprint edi­tion., Cam­bridge, Mass., The MIT Press, 2013.et au web31Lisa Gitel­man, Always Already New — Media, His­to­ry and the Data of Cul­ture, Cam­bridge, Mass.; Lon­don, MIT Press, 2008.. C’est pourquoi les ten­ants des Media Archae­ol­o­gy, ou ceux qui leur sont rat­tachés, s’in­téressent à tous les sup­ports médi­a­tiques, à tous les doc­u­ments, à tous les énon­cés, qu’il s’agisse de la carte, du post-it, du PDF32Lisa Giterl­man, 2014, Paper Knowl­edge: Toward a Media His­to­ry of Doc­u­ments, Durham ; Lon­don, Duke Uni­ver­si­ty Press Books., des fichiers administratifs33Vismann Cor­nelia et Winthrop-Young Geof­frey, 2008, Files: Law and Media Tech­nol­o­gy, Stan­ford, Calif, Stan­ford Uni­ver­si­ty Press., de la machine à écrire34Darren Wer­sh­ler-Hen­ry, The Iron Whim: A Frag­ment­ed His­to­ry of Type­writ­ing, Cor­nell Ed., Itha­ca, Cor­nell Uni­ver­si­ty Press., 2007., de la signature35Jean-François Blanchette, Bur­dens of Proof: Cryp­to­graph­ic Cul­ture and Evi­dence Law in the Age of Elec­tron­ic Doc­u­ments, s.l., The MIT Press, 2012.ou du MP336Jonathan Sterne, MP3: The Mean­ing of a For­mat, s.l., Duke Uni­ver­si­ty Press Books, 2012.. Tout l’in­térêt des Media Arche­ol­o­gy est de révéler l’ensem­ble des médi­a­tions (dis­cur­sives, matérielles, his­toriques, mémorielles) implicites, sour­des, qui tra­vail­lent nos pra­tiques d’écri­t­ure.

Ces études peu­vent alors se dou­bler d’une visée poli­tique, qui peut men­er à une cri­tique de la trans­parence sup­posée des logi­ciels et des moteurs de recherche. Dans son livre con­sacré à l’é­pais­seur sémi­o­tique des inter­faces d’écri­t­ure 37Je m’ap­puie en par­tie sur un compte ren­du du Huff­in­g­ton Post., aus­si bien dans la cul­ture imprimée que numérique, Lori Emerson38Lori Emer­son, Read­ing Writ­ing Inter­faces: From the Dig­i­tal to the Book­bound, Min­neapo­lis, Uni­ver­si­ty Of Min­neso­ta Press, 2014., directeur du Media Archae­ol­o­gy Lab, invite d’abord à pren­dre en compte les dis­cours asso­ciés aux arte­facts infor­ma­tiques, qui se présen­tent sou­vent comme con­vivi­aux et “mag­iques” (Emer­son cite le cas de l’i­Pad), pour mieux encour­ager à la con­som­ma­tion de con­tenus. L’u­ni­ver­si­taire va jusqu’à par­ler de “googli­sa­tion de la lit­téra­ture” et d’en­clo­sure osten­si­ble­ment trans­par­ente d’Ap­ple, alors que les pre­mières théori­sa­tions infor­ma­tiques de Dou­glas Engle­bart (NLS, 1960), Sey­mour Papert (lan­gage de pro­gram­ma­tion Logo 1967), Alan Kay (Dyn­a­book, 1972) et Steve Woz­ni­ak (Apple II, 1977) étaient réputées ouvertes, flex­i­bles et exten­si­bles.

L’écriture travaillée par le support

Mais Emer­son ne cède heureuse­ment pas à une vision désen­chan­tée, qui con­duirait à man­quer la com­plex­ité des instru­ments d’écri­t­ure, pour se can­ton­ner à une dénon­ci­a­tion naïve de leurs con­cep­teurs. Les com­para­isons his­toriques lui per­me­t­tent de se focalis­er sur son sujet : met­tre au jour la manière dont la matéri­al­ité des sup­ports tra­vaille les opéra­tions intel­lectuelles, matérielles, cor­porelles des poètes et des écrivains. Emer­son donne l’ex­em­ple d’Emi­ly Dick­in­son qui super­po­sait des bouts de poèmes pour con­stru­ire une matrice lit­téraire délinéarisée.

Les oeu­vres de lit­téra­ture numérique présen­tées par Lori Erm­er­son por­tent plus loin les con­séquences de cette inter­ac­tion matérielle : elles la réfléchissent, se con­fron­tent à elle, en exhibent les effets (voir “Peut-on recon­naître la lit­téra­ture numérique (II) Oeu­vres et per­for­mances”). Dans In Sam­plers: Nine Vicious Hyper­texts (1997), Larsen Hijacks détourne le dis­posi­tif de Sto­ry­space pour inve­stir tous les espaces fonc­tion­nels (carte, boîte de nav­i­ga­tion, etc.) de la fic­tion, qui se mod­ule autour d’un cen­tre (le texte cen­tral) et de ses périphéries énon­cia­tives. Larsen Hijacks affirme ain­si l’in­ter­dépen­dance de la lit­téra­ture et de ses moyens d’in­ves­ti­ga­tion 39 On pour­ra aus­si con­sul­ter les oeu­vres de Deena Larsen, de Talon Mem­mott et de Judd Mor­ris­sey. . Dans une autre oeu­vre (Strange Rain), c’est la sur­face même avec laque­lle nous prospec­tons des formes médi­a­tiques qui est inter­rogée, à la manière des oeu­vres de Jorg Piringer ou de Jason Edward Lewis.

De l’imprimé au numérique et retour

Enfin, les poètes de cul­ture imprimée/numérique ont tra­vail­lé ces ques­tions, de deux manières qui nous sont aujour­d’hui clas­siques : ils ont cher­ché à exhiber le fonc­tion­nement des out­ils de lec­ture infor­ma­tiques, en amenant le lecteur à pren­dre con­science de son statut, de sa place et de ses gestes, en prise avec ces out­ils (First Screen­ing de bpNi­chols ; Trav­el­ing to Utopia de Young-Hae Chang Heavy Indus­tries) ; ils ont ensuite ten­té de pirater les inter­faces d’écri­t­ure et de lec­ture : la machine à écrire (Type­s­tracts de Dom Sylvester Houé­dard), la pho­to­copieuse (Sharp Facts de bpNi­chol) et le livre (Car­ni­val de McCaf­fery). Une troisième voie se des­sine aujour­d’hui, qui signe défini­tive­ment l’en­trelace­ment des cul­tures. Dans HEATHTan Lin asso­cie dans un livre imprimé des élé­ments  col­lec­tés sur le web (images, bil­lets de blog, recherch­es Google, jour­naux, com­men­taires, etc.) pour révéler la coex­is­tence de formes hétérogènes sur un même sup­port de lec­ture (l’écran), dans lesquelles nous sommes quo­ti­di­en­nement pris et que leur rassem­ble­ment rend ici d’au­tant mieux vis­i­bles 40Voir aus­si Jen­nifer Grose, Sad Desk Sal­ad, William Mor­row Paper­backs, 2012. :

littérature numérique
“Heath” de Tan Lin.

Mais si les signes sont plas­tiques, s’ils mutent, pas­sant d’un espace médi­a­tique à un autre, ils n’ont plus la même valeur : une recherche sur Google, insérée dans un livre (voir ci-dessus), devient une image, une icône métonymique de la cul­ture numérique, dont nous pou­vons recon­naître les traits cul­turels, en dehors de son envi­ron­nement. C’est bien la preuve d’un con­tin­u­um des cul­tures et des pas­sages qui impliquent chaque fois des muta­tions heuris­tiques. Dans Paper Pong, Richard Moore trans­forme un jeu vidéo en livre pour faire appa­raître les gestes implicites à l’écran, con­vo­qués mais impos­si­bles à exé­cuter.

Conclusion : par-delà imprimé et numérique, l’entrelacement des formes

Qu’on les appelle Soft­ware Stud­ies, Crit­i­cal Code Stud­ies, Plate­form Stud­ies ou Media Archae­ol­o­gy, les dis­ci­plines présen­tées dans ce bil­let ont un même intérêt pour les Book Stud­ies : elles leur per­me­t­tent de sor­tir le livre de dis­tinc­tions rad­i­cales (imprimé/numérique) pour penser l’en­tre-deux, l’en­trelace­ment silen­cieux des objets, des sup­ports des gestes, des formes :

Today’s texts are also, inevitably, hybrid arti­facts, migrat­ing back and forth between dig­i­tal and ana­log states. Impor­tant­ly, the print does not always pre­cede the dig­i­tal; in fact the norm may be the oth­er way around. (p. 452)

À penser ain­si, on sort rapi­de­ment des con­stats alarmistes et stériles pour s’ou­vrir à la com­plex­ité du réel (nous recourons en per­ma­nence à des tas de sup­ports d’écri­t­ure) et à la recon­nais­sance de pra­tiques mécon­nues (copier/coller, mix­er, partager, etc.), que nous devons encore appren­dre à recon­naître.

Book his­to­ry has the poten­tial to bring much-need­ed nuance to tired, reduc­tive bina­ries around the paragone between print and the dig­i­tal. (p. 440)

Les Books Stud­ies n’ont évidem­ment pas atten­du Matthew Kirschen­baum et Sarah Wern­er pour pro­duire des études (anglo-sax­onnes) sur ce con­tin­u­um cul­turel. Elles ont ain­si porté leurs efforts sur la page41Bonnie Mak, How the Page Mat­ters, Toron­to, 2011., le document42David M. Levy, Scrolling For­ward : Mak­ing Sense of Doc­u­ments in the Dig­i­tal Age, Arcade, 2001., le texte43Neil Frai­s­tat et Julia Flan­ders (eds.), Cam­bridge Com­pan­ion to Tex­tu­al Schol­ar­ship, Cam­bridge, 2013. la lec­ture44 jeff Gomez, Print is Dead: Books in Our Dig­i­tal Age, Pal­grave, 2007 ; Alan Jacob, The Plea­sures of Read­ing in an Age of Dis­trac­tion, Oxford, 2011 ; Andrew Piper, Book Was There: Read­ing in Elec­tron­ic Times, Chica­go, 2012., l’édi­tion et la cul­ture numériques45Ted Striphas, The Late Age of Print: Every­day Book Cul­ture from Con­sumerism to Con­trol, Colum­bia, 2009 ; John B. Thomp­son, Mer­chants of Cul­ture: The Pub­lish­ing Busi­ness in the 21st Cen­tu­ry, Plume, 2012.. Mais les out­ils théoriques (anglo-sax­ons) et une his­toire des traite­ments de texte man­quent encore pour penser des oeu­vres comme Diff in Dune de Mar­tin Howse (ou Har­ry Pot­ter), qui fait du livre une “plate­forme”, dépen­dante de périphériques et de sup­ports mul­ti­ples, où cir­cu­lent des textes et qui lient un ensem­ble d’ac­teurs entre eux. L’hy­brid­ité général­isée des formes médi­a­tiques impose donc de recourir aux méthodolo­gies des Dig­i­tal Stud­ies, selon l’idée que les “plate­formes” numériques ne sont que des pro­longe­ments du livre implicite­ment envis­agé comme une “plate­forme” par la bib­li­ogra­phie matérielle :

If book his­to­ry is the study of how plat­forms shape and deliv­er texts, then today’s plat­forms of pix­els and plas­tic are as much a part of those stud­ies as paper and papyrus. (p. 452

Cela dit, si les Dig­i­tal Human­i­ties sont des héri­tiers des Books Stud­ies, ces dernières ont à pren­dre en compte la spé­ci­ficité de la matière analysée, qui con­voque des objets, des économies, des gestes, des pra­tiques, des droits, des savoirs dont l’é­tude néces­site de la patience et du respect.

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Notes   [ + ]

1. Par exem­ple : Stéphan-Éloïse Gras, “Éthique com­pu­ta­tion­nelle et matéri­al­isme numérique : l’ap­port des Soft­ware Stud­ies”, Cri­tique, 919–820, Août-sep­tem­bre 2015.
2. Par exem­ple : Alexan­dre Gal­loway, “Rets et réseaux dans la tragédie antique” dans Bernard Stiegler (dir.), Ingénierie et poli­tique des réseaux soci­aux, FYP Édi­tions, 2012.
3. Cette suite a finale­ment été pub­liée dans une revue : https://rfsic.revues.org/1968
4. Voir Fig­ur­ing the Word: Essays on Books, Writ­ing, and Visu­al Poet­ics, Gra­nary Books, 1998.
5. Avec His­tor­i­calSoft­ware Col­lec­tion et Bit­Savers, Inter­netArchive répond en par­tie à ces questions.La deux­ième de l’article de Matthew Kirschen­baum et Sarah Wern­er (voir 1/2), con­sacré aux rela­tions pos­si­bles entre les études sur le livre et les études numériques, revient pré­cisé­ment sur ces dernières. Après avoir mon­tré que la bib­li­ogra­phie matérielle (la dis­ci­pline qui étudie les con­di­tions de fab­ri­ca­tion, de cir­cu­la­tion et d’appropriation des livres) a fourni ses fonde­ments épisté­mologiques aux Dig­i­tal Stud­ies, les deux auteurs résu­ment les travaux qu’ils esti­ment les plus impor­tants sur la cul­ture numérique.
6. Donald Knuth, “Lit­er­ate Pro­gram­ming”, Stan­ford, Cen­ter for the Study of Lan­guage and Infor­ma­tion, 1992.
7. Milad Douei­hi, Pour un human­isme numérique, Seuil, 2011.
8. Marc C. Marin, “Crit­i­cal Code Stud­ies”, 4 avril 2006, con­sulté le 20/08/2014
9. Voir aus­si Robert E. Cum­mings, “Cod­ing with pow­er : Toward a rhetoric of com­put­er cod­ing and com­po­si­tion”, Com­put­ers and Com­po­si­tion, 23, 2006, p. 430–443.
10. Geoff Cox et Alex McLean, Speak­ing Code: Cod­ing as Aes­thet­ic and Polit­i­cal Expres­sion (Soft­ware Stud­ies), The MIT Press, 2012 ; Inke Arns, “Code as per­for­ma­tive speech act”, Art­notes.
11. John Cay­ley, “Cod­ing as prac­tice”, 2008, con­sulté le 20/08/2014.
12. Voir Stéphane Cou­ture, “L’écriture col­lec­tive du code source infor­ma­tique”, Revue d’anthropologie des con­nais­sances, 25 avril 2012, vol. 61, no 1, p. 21‑42.
13. Denis Krukovsky, “How to Write Com­ments”, 19 juil­let 2005 ; James Edwards, “Com­ment-Dri­ven Devel­op­ment”, 10 octo­bre 2007 ; David Njoku, “How to make com­ments the most impor­tant ‘code’ you write”, 23 novem­bre 2011.
14. Source : http://javadude.com/articles/comments.html.
15. Liste détail­lée ici.
16. Voir ici et ici.
17. David Njoku,“How to make com­ments the most impor­tant ‘code’ you write”, 23 novem­bre 2011, http://allthingsoracle.com/how-to-make-comments-the-most-important-code-you-write/.
18. Robert E. Cum­mings (“Cod­ing with pow­er : Toward a rhetoric of com­put­er cod­ing and com­po­si­tion”, Com­put­ers and Com­po­si­tion, 23, 2006, p. 430–443.) s’appuie sur les travaux de référence de Ong (“The Writer’s Audi­ence is Always a Fic­tion”, Mod­ern Lan­guage Asso­ci­a­tion, 90 (1), 1975, p. 9–21), notam­ment sur la notion de “read­er­ship” (con­cep­tion abstraite que se fait un écrivain de son pub­lic), pour pro­pos­er une dis­tinc­tion entre l’audience “invoquée” dans l’écriture du code (“audi­ence invoked”, p. 437) et une audi­ence à qui s’adresse le pro­gram­meur (“audi­ence addressed”, Ibid.).
19. Matthew Kirschen­baum, “Extreme inscrip­tion: The gram­ma­tol­ogy of the hard dri­ve”, Text Tech­nol­o­gy, 13 (2), 2004, p. 91–125.
20. David M. Berry, “A Con­tri­bu­tion Towards a Gram­mar of Code”, The Fibrecul­ture Jour­nal, 13, 2008 et David M. Berry, The Phi­los­o­phy of Soft­ware. Code and Medi­a­tion in the Dig­i­tal Age, Bas­ingstoke, Pal­grave Macmil­lan, 2011.
21. Manovich par­le de “cul­tur­al soft­ware” dans Soft­ware Takes Com­mand, The MIT Press, 2013.
22. Rob Kitchin, Mar­tin Dodge, Code/Space: Soft­ware and Every­day Life, The MIT Press, 2014.
23. Dennis Jerz, “Some­where Near­by is Colos­sal Cave: Exam­in­ing Will Crowther’s Ori­gi- nal ‘Adven­ture’ in Code and in Ken­tucky”, Dig­i­tal Human­i­ties Quar­ter­ly 1.2, 2007.
24. D’autres livres de la même col­lec­tion du MIT s’in­téressent au Com­modore Ami­ga, aux lab­o­ra­toires Bell, à la tech­nolo­gie Flash.
25. Anastasia Salter et John Mur­ray,Flash — Build­ing the Inter­ac­tive Web, Cam­bridge, Mass­a­chu­setts, MIT Press, 2014.
26. “Un média est une représentation de la réalité, organisée par un dis­posi­tif d’énonciation, pub­li­able sur différents sup­ports.” Voir Broudoux Eve­lyne, Out­ils, pra­tiques autori­ta­tives du texte, con­sti­tu­tion du champ de la lit­téra­ture numérique, Thèse de doc­tor­at, Uni­ver­sité Paris VIII Vin­cennes-Saint Denis, 2003, p. 41.
27. Voir Anne-Marie Charti­er et Jean Hébrard, Dis­cours sur la lec­ture, Fayard, 2000.
28. Jah­jah Marc, “Pro­tée ou les muta­tions du livre”, Cri­tique, 2015.
29. Chez Fou­cault une “archive” n’est pas l’ensem­ble des textes passés que nous avons con­servés, ou con­ver­sons, et qui con­stitueraient notre mémoire fos­sil­isée. L’archive est un sys­tème d’énon­cés, c’est-à-dire un ensem­ble strat­i­fié d’arte­facts (phras­es, tableaux, graphiques, etc.) qui s’en­tremê­lent, se neu­tralisent, qual­i­fient un événe­ment et fix­ent pro­vi­soire­ment ses ori­en­ta­tions per­cep­tives. Ce sys­tème est évidem­ment capa­ble de trans­for­ma­tions, lorsqu’on l’en­vis­age sur la longue durée. C’est pourquoi le livre a fini par devenir un objet de culte, alors qu’il était soupçon­né de tous les maux, parce qu’il a fait tour à tour l’ob­jet de dis­cours négat­ifs puis posi­tifs, dans un ensem­ble hétérogène de formes : fic­tion romanesque, affich­es, lois, films, etc.
30. Wendy Hui Kyong Chun, Pro­grammed Visions: Soft­ware and Mem­o­ry, Reprint edi­tion., Cam­bridge, Mass., The MIT Press, 2013.
31. Lisa Gitel­man, Always Already New — Media, His­to­ry and the Data of Cul­ture, Cam­bridge, Mass.; Lon­don, MIT Press, 2008.
32. Lisa Giterl­man, 2014, Paper Knowl­edge: Toward a Media His­to­ry of Doc­u­ments, Durham ; Lon­don, Duke Uni­ver­si­ty Press Books.
33. Vismann Cor­nelia et Winthrop-Young Geof­frey, 2008, Files: Law and Media Tech­nol­o­gy, Stan­ford, Calif, Stan­ford Uni­ver­si­ty Press.
34. Darren Wer­sh­ler-Hen­ry, The Iron Whim: A Frag­ment­ed His­to­ry of Type­writ­ing, Cor­nell Ed., Itha­ca, Cor­nell Uni­ver­si­ty Press., 2007.
35. Jean-François Blanchette, Bur­dens of Proof: Cryp­to­graph­ic Cul­ture and Evi­dence Law in the Age of Elec­tron­ic Doc­u­ments, s.l., The MIT Press, 2012.
36. Jonathan Sterne, MP3: The Mean­ing of a For­mat, s.l., Duke Uni­ver­si­ty Press Books, 2012.
37. Je m’ap­puie en par­tie sur un compte ren­du du Huff­in­g­ton Post.
38. Lori Emer­son, Read­ing Writ­ing Inter­faces: From the Dig­i­tal to the Book­bound, Min­neapo­lis, Uni­ver­si­ty Of Min­neso­ta Press, 2014.
39. On pour­ra aus­si con­sul­ter les oeu­vres de Deena Larsen, de Talon Mem­mott et de Judd Mor­ris­sey.
40. Voir aus­si Jen­nifer Grose, Sad Desk Sal­ad, William Mor­row Paper­backs, 2012.
41. Bonnie Mak, How the Page Mat­ters, Toron­to, 2011.
42. David M. Levy, Scrolling For­ward : Mak­ing Sense of Doc­u­ments in the Dig­i­tal Age, Arcade, 2001.
43. Neil Frai­s­tat et Julia Flan­ders (eds.), Cam­bridge Com­pan­ion to Tex­tu­al Schol­ar­ship, Cam­bridge, 2013.
44. jeff Gomez, Print is Dead: Books in Our Dig­i­tal Age, Pal­grave, 2007 ; Alan Jacob, The Plea­sures of Read­ing in an Age of Dis­trac­tion, Oxford, 2011 ; Andrew Piper, Book Was There: Read­ing in Elec­tron­ic Times, Chica­go, 2012.
45. Ted Striphas, The Late Age of Print: Every­day Book Cul­ture from Con­sumerism to Con­trol, Colum­bia, 2009 ; John B. Thomp­son, Mer­chants of Cul­ture: The Pub­lish­ing Busi­ness in the 21st Cen­tu­ry, Plume, 2012.