À l’époque (2012–2013), je collectais des photographies de tables de travail : on m’en envoyait sur Twitter (ancien compte) et je les rassemblais sur Pinterest. Amusée, toujours partante, Louise Merzeau s’était prêtée au jeu.
Sur la première photo (ci-dessous), elle avertissait dans son tweet : “mon chat paraît roux, mais il est gris…”. L’inclinaison de la lampe et l’absence de documents à l’écran indiquent qu’elle relisait sans doute des notes manuscrites. Ou peut-être qu’elle regardait des images sur sa tablette. Ou peut-être qu’elle s’était arrêtée un temps d’écrire sur Twitter pour saisir ce moment, après avoir caressé son chat. Les photographies, comme les traces, mettent en situation d’enquête ; elles font rêver. Un mouvement secret les anime.
@SoBookOnline Ma table de travail à Paris (mon chat paraît roux, mais il est gris…) #tabledetravail pic.twitter.com/T2CtMOf2
— Louise Merzeau (@lmerzeau) 14 janvier 2013
Dans cette deuxième photographie (ci-dessous) : “Ma “table de travail”…en vacances”. Les guillemets anticipent l’étonnement éventuel du spectateur, pointent le caractère inhabituel de la forme proposée, qui ne permet pas a priori d’identifier instantanément une situation de travail — manque de typification, de signes stéréotypés (le bureau, le livre). Le commentaire ramène l’image et son interprétation dans l’ordre du connu, des airs de famille ; il les normalise, les rend lisibles socialement : c’est bien une table de travail, même si ça n’y ressemble pas.
@SoBookOnline Ma “table de travail”… en vacances pic.twitter.com/5FkDQVfe
— Louise Merzeau (@lmerzeau) 29 décembre 2012
Toujours veillée par son chat (bien gris !), fidèle compagnon, elle regardait sur son écran la table d’un autre chercheur, qui m’avait à son tour envoyé une image sur Twitter.
Avec ce hashtag (#tabledetravail), quelque chose commençait à émerger, de l’ordre d’une sociabilité matérielle et sensible. En hommage, je propose aujourd’hui de le réactiver, pour que @lmerzeau continue de regarder.